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Pourquoi les gardiens polonais font partie des meilleurs au monde ?

  • Photo du rédacteur: Mathieu P
    Mathieu P
  • 14 avr. 2024
  • 7 min de lecture


S'il est un poste où la Pologne du football n'a pas de soucis à se faire, c'est bien celui des gardiens de buts. Dernièrement, une nouvelle génération a su prendre les rênes de cette "école polonaise des gardiens" grâce à des performances remarquées, notamment en Ligue 1 avec Marcin Bulka, à l'OGC Nice, puis plus récemment Radoslaw Majecki à Monaco. On pourrait aussi citer le cas de Kamil Grabara au FC Copenhague qui rejoindra la Bundesliga et Wolfsburg cet été.


Mais pourquoi les gardiens polonais sont depuis des décennies si bons ? Existe-t-il une véritable école polonaise ou est-ce le hasard ? Comment se fait-il que la Pologne peine à former de bons joueurs de champs en quantité et qualité mais qu'elle y arrive avec ses gardiens ? Nous allons tenter de vous expliquer, comment ce pays a réussi à devenir la meilleure fabrique de gardiens au monde !


L'histoire entre les poteaux en héritage


Il est important pour commencer de revenir à la base de tout, au moment où tout a commencé. Pour beaucoup de Polonais les années 70-80 sont celles dorées d'un football national brillant sur la scène mondiale. C'est que, ce beau collier serti d'or était paré de diamants, de joueurs scintillants qui allaient former dans l'imaginaire des générations futures des modèles. Alors, on y retrouve bien sûr les Deyna, Lato, Boniek, Lubanski, Szarmach et autre Zmuda et Gorgon. Mais il ne faut pas oublier que derrière ces offensifs magiciens, ces milieux et défenseurs impériaux, il y avait des hommes, des murailles imposantes et captivantes. Les performances de Jozef Mlynarczyk à la Coupe du Monde 1982 et les arrêts miraculeux sur penalty de Jan Tomaszewski ne sont pas pour rien dans l'aura que les Bramkarze ont dans le football polonais.


Les succès obtenus par Dudek, Boruc et, pour la génération plus âgée, Mlynarczyk et Tomaszewski, ont captivé l'imagination. Ce sont des joueurs qui ont ouvert la voie et montré que l'on peut réussir (dans le foot) en restant entre les poteaux - Adam Matysek

Mlynarczyk va devenir avec Porto le deuxième joueur polonais à remporter la Coupe des Coupes. C'est donc un gardien qui, après Boniek, pose le premier de sa main et non de ses pieds son empreinte sur la plus prestigieuse coupe continentale. Deux autres suivront : Jerzy Dudek avec Liverpool grâce à sa prestation étincelante en finale notamment lors de la séance de penalty et un arrêt stratosphérique face au Milan AC de Shvevchenko en 2005. Et enfin, Tomasz Kuszczak, moins important que son prédécesseur dans la conquête du titre par Manchester United en 2008 mais tout de même un autre polonais ganté sur le toit de l'Europe. Tout sauf un hasard.


Car vous vous souvenez certainement de vos parties de foot dans la cour avec une balle en mousse parfois alourdie par la pluie. De celui qu'on mettait "aux cages" ou contre un simple mur pour éviter que l'adversaire de récréation marque. C'était souvent le moins bon, celui qu'on ne voulait pas voir sur le terrain.


En Pologne, ce schéma est différent, on rêve d'être un gardien, on est happé par ces souvenirs ancrés ou simplement par cette image du dernier rempart qui fait gagner son camp. Il n'est pas rare de voir les jours de match de la Reprezentacja des enfants arborer l'air heureux le maillot de leur idole Szczesny. Bien plus qu'ailleurs, l'image du gardien s'est forgé dans l'inconscient polonais, bien plus que nulle part ailleurs, comme un joueur aussi important qu'un numéro dix, une star comme les autres.




Une école polonaise ? vraiment ?


C'est donc sur ces personnages, ces gardiens et leur image que le football va se développer au plus haut niveau. Car après les années 80, pour la Pologne, ils sont quasiment l'un des seuls liens avec le haut niveau européen. Ils deviennent alors des totems du savoir faire polonais. Cette réussite s'explique alors par le nombre de vocations, non pas seulement du côté des jeunes joueurs et leur attrait pour cette position autrefois considérée ingrate dans la cour de récréation mais aussi pour les formateurs.


Si la formation de joueurs de champs semble plus difficile, celle des gardiens demandent moins de ressources. Et les formateurs (souvent mal payés en Pologne) peuvent se concentrer sur des groupes restreints, étant alors plus à même d'innover et de travailler sur de nouvelles approches. Des approches qui vont aussi avoir un lien important avec la psychologie et le mental.


De temps en temps, un gardien de but apparaît en Pologne et aspire à jouer dans les plus grands clubs d'Europe. Cela est certainement dû à Krzysztof Dowhan, qui fait un travail fantastique. On peut dire sans se tromper que la Pologne est un pays doté de grands talents en matière de gardiens de but - Arsène Wenger

L'exemple de Krzystof Dowhan, entraîneur des gardiens du Legia, est parlant. Il arrive tous les matins depuis maintenant plus de 20 ans au centre d'entrainement, sac de beignets sous le bras. Il a vu passer sous ses ordres Fabianski, Boruc, Szczesny, Majecki et plus récemment Tobiasz ou Kochalski, un faiseur de gardiens comme il y a des fées faiseuses de rêves. Lui, est modeste. Il déteste d'ailleurs que l'on parle "d'école polonaise" car pour lui, il faudrait une doctrine nationale, ce qui n'est pas le cas.


© OGC Nice


Chacun s'entraide dans une saine émulation pour parfaire les techniques d'entrainements mais rien n'est acquis, c'est un combat perpétuel pour cette avant-garde composée aussi d'Andrzej Dawidiuk (entraîneur des gardiens de la sélection) et d'autres dans les académies de jeunes comme à l'Escola Varsovia. Un petit cercle d'esthètes qui pendant des années a dû faire avec des infrastructures loin d'être au niveau des pays du TOP5 européens sortant, eux aussi, une quantité de bons joueurs dans les cages. C'est donc avec professionnalisme, persistance et abnégation que ces découvreurs ont entrainé sans relâche les jeunes joueurs polonais sur leur ligne.


On reconnaît d'ailleurs ce trait important aux gardiens polonais : être des travailleurs acharnés. Les récents exemples Bulka ou Majecki en sont les derniers témoignages. Partis tous les deux en prêts après avoir été achetés par le PSG et Monaco comme leurs ainés Dragowski ou Szczesny. Ils ont tous attendu leur heure sans jamais se plaindre mais en restant acharnés au travail, à l'entraînement pour, non pas prouver, mais montrer quand le jour viendra que leur talent mérite d'être reconnu. Cela prouve aussi un point important de la formation des gardiens polonais, le mental. Être leader est une chose primordiale pour un gardien de but et ce travail psychologique et mental est distillé dès le plus jeune âge.


Des personnalités avant d'être des gardiens


Vous vous souvenez de Jerzy Dudek à Istanbul, n'est-ce pas ? Il se dégageait de lui juste avant la séance de penalty une force impalpable, une sécurité inébranlable, celle qui fait vaciller même les meilleurs tireurs. Demandez donc à Pirlo et un certains Ballon d'Or. Le gardien se doit d'être plus grand qu'il n'est pour remplir sa cage face au tir adversaire. La remplir avec son corps, ses mains, ses jambes certes mais aussi avec son égo.



Artur Boruc était appelé King Artur non pas seulement pour ses parades fantastiques au Celtic mais aussi par sa présence, son aura, sa gueule. Il était certainement un peu fou sur les bords, comme aime le dire son ami Wojtek Szczesny. Lui qui en impose par sa grande carcasse et ses réflexes mais pas uniquement. Dans le vestiaire, c'est un leader, un joueur au mental de fer qui ne mâchera pas ses mots et qui saura en italien ou en polonais faire se resserrer les rangs, un centurion passé par la Roma.


Chez les jeunes, Grabara est fait aussi de ce bois, il peut paraître parfois condescendant, effronté comme lors de la dernière campagne européenne de Copenhague, il est dans son personnage : celui du gardien fixant sa loi pour faire plier mentalement l'adversaire. On l'aime quand il est dans notre camp, on l'honnit chez l'ennemi. Gikiewicz est aussi dans cette catégorie même si sa carrière ne reflète pas totalement son talent (il aurait pu signer au PSG en gardien numéro 2 mais a préféré rester numéro 1 à l'Union Berlin). Le cas de Bulka est aussi significatif, s'imposant imposé face à Schmeichel et parlant depuis en dehors et sur le terrain comme un capitaine des Aiglons qu'il n'est pas encore.


J'ai toujours une grande confiance en moi. Peu importe ce qu'il se passe - Wojciech Szczesny 

Tous ces exemples montrent une chose, le gardien formé en Pologne est avant tout une personnalité. Car pour arrêter un tir, un penalty, un coup-franc, il faut être sûr de soi puisque contrairement au joueur de champs, le gardien n'a pas ce droit divin à l'erreur. Il est tributaire de ses seules mains face au combat et à l'adversité.


Il faut donc avoir ce supplément de soi, cette force mentale qui est inculquée dans les académies polonaises et par les formateurs. Un Fabianski ou un Szczesny n'auraient jamais réussi après leur passage à Arsenal sans ce supplément mental, sans cette volonté sans commune mesure de réussir. Être impérial dans sa tête comme sur sa ligne, tel est le slogan aussi de la formation des gardiens en Pologne. Peu importe les méthodes qui sont diverses, le résultat est souvent positif comme on peut l'observer avec plaisir chaque week-end depuis des décennies.


Il n'y a pas de hasard, seulement des circonstances


L'école polonaise n'existe donc peut-être pas vraiment, mais elle semble tout de même s'infuser comme un bon thé dans l'air de la formation du pays. Grâce à une histoire ayant glorifié ce poste sûrement plus qu'ailleurs, à des personnes engagés dans leur mission presque sacrée, à des joueurs laborieux et aux personnalités permettant de s'y attacher, loin de la langue de bois et de la bienséance. Tout ceci forme un ensemble qui permet aux gardiens polonais d'être une valeur reconnue en Europe à travers les dernières décennies.


Il faudra certainement encore plus d'investissements, aussi bien dans les infrastructures que dans la formation, pour être sûr que le futur s'annonce encore aussi glorieux pour les murailles polonaises. Le football, il a changé, le jeu des gardiens aussi et si les gardiens polonais sont les meilleurs sur leur ligne, ils se doivent d'ajouter de nouvelles caractéristiques du football moderne à leur jeu. Le jeu au pied est un exemple flagrant. C'est déjà en partie le cas, notamment à l'Escola Varsovia qui a sorti Marcin Bulka et qui travaille avec l'OGC Nice à la formation de nouveaux jeunes gardiens pour le club français. Si l'on ne peut prédire l'avenir, la terre de Chopin est une terre de gardien, et à tout entre ses mains pour le rester.



© Flynet


PS: Qui n'aimerait pas avoir comme voisin de tribune Boruc, mégaphone à la main ? Ou aller s'en griller une discrètement sous les douches avec Szczesny après une séance de pénos ? Ou faire le crabe devant Pirlo comme Dudek ? Les gardiens polonais ont encore aussi ce romantisme un peu perdu d'un foot avec des aspérités, à la communication franche et aux parades prodigieuses.






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