On nous pose souvent la question, on me pose souvent la question « Mais pourquoi regardes-tu le foot polonais ? Pourquoi regardes-tu cette chose ? Pourquoi prendre-tu du temps de ta vie pour t'intéresser à un football qui n'est pas forcément le tien, qui n'est pas forcément le plus intéressant, qui n'est pas forcément celui qui fait lever les foules et les sponsors? » C'est une question intéressante, complexe. Mais si on regarde le football polonais, si on s'intéresse à ce qu'il est, ce n'est pas pour sa beauté pure. C’est, avant tout, comme tomber amoureux.
On ne tombe jamais vraiment amoureux d'une beauté froide, certains peut- être mais si peu d'entre nous. On tombe amoureux pour toutes ces petites choses, toutes ces parcelles en plus. On tombe amoureux pour une âme. Quelque chose qu'on ne peut expliquer parfois et où les mots nous manque, quelque chose qui nous fait vibrer, qui nous fait nous enflammer, qui nous fait désespérer, qui nous fait juste être quelqu'un d'autre, être bien, être soi.
Fot : Getty Images
Le football polonais, c'est certainement un petit peu tout cela à la fois. Encore une fois, il n'est pas le plus extraordinaire. Ce n'est pas la beauté froide de la Première Ligue. Ce n'est pas le romantisme de la série A des années 2000. Ce n’est pas la vitalité spectaculaire de la Bundesliga. Mais regarder et aimer le foot polonais, c'est avant tout aller chercher dans la différence, aller chercher dans ce qu'on pourrait appeler des fissures, nos fissures et voir ce qu'il y a derrière, comme si derrière ce mur abrupte et fissuré il y avait un grand jardin en friche où pousse quelques fleurs exotiques dont on rêve parfois le soir avec plaisir et attente.
Il y a des histoires. Il y a de la beauté, il y a de la laideur. Il y a de l'aigreur. Mais il y a surtout l'âme. Lorsque l'on va avoir un match, lorsqu'on va sentir un match, lorsqu'on va simplement l'écouter, on entend les chants, on sent le feu, on voit l’erreur. On voit des choses qu'on ne verrait, sentirait, entendrait nulle part ailleurs. Le football polonais est sensitif comme aucun autre.
Il n’y a pas d’endroit dans le monde où l’homme est plus heureux que dans un stade de football - Albert Camus
Et puis, il y la le non sensible, l’immatériel. Toute cette histoire, histoire du foot polonais liée à l'Histoire du pays. Histoire du foot polonais liée à l'Histoire aussi de notre continent, au carrefour de l'Europe, de ces clubs autrefois grands, maintenant rien, de ses clubs autrefois liés à une fabrique, à une armée, à un syndicat, à des mineurs, à un territoire n’étant plus. C'est toute cette âme, toutes ces âmes qui font que le foot polonais nous fait vibrer. D'une manière différente, dans un monde à la recherche de beauté, dans un monde aussi à la recherche de sens il est du sens de regarder ce football pour ce qu'il est, de l'aimer pour ce qu'il est. Dans cette différence et dans cette altérité. Il faut être curieux, chercher, discuter avec des joueurs aux carrières improbables, aux mille clubs, aux aventures homériques, trouvant ici un port d’attache plus ou moins long.
Aimer le football polonais, est donc un voyage. La découverte de choses que l’on ne pensait pas exister. Découvrir le foot polonais, ce n'est pas être une élite, être une esthète, dire « Tiens, regarde, je connaissais ce joueur avant, il jouait dans ce club au fin fond de la Pologne et maintenant, il joue dans un grand club européen ». Non, c’est aimer les histoires, les chérir et essayer de les retranscrire le plus fidèlement possible.
Fot: East News
Aimer le football polonais cela peut être désespérant, comme avec la sélection dernièrement ou certains clubs, mais c’est ce qui le rend attachant. Lorsqu’on prend les histoires récentes d'un Rakow Czestochowa, lorsqu’on prend les histoires anciennes d'un Szombierki Bytom ou même des années de lauriers et d’or de la sélection entre 70 et 80, on prend l'histoire telle qu'elle est, ni belle ni mauvaise, ni moche ni heureuse. Elle est ce qu'elle est. Et c'est pour cela que le foot polonais est d'une beauté d'âme, est une chose que l'on peut toucher, sentir, écouter, voir.
Finalement, c’est un peu comme revenir chez sa grand mère le dimanche, en sachant pertinamment que rien n'est éternel, ouvrir cette boîte ronde et bleue de gâteaux danois au gôut basique, boire un café trop dilué et pas forcément très bon, mais être heureux, simplement. Le football polonais, c'est retrouver cette petite auberge, ce petit moment chaleureux où tant de choses se passent, dans de souvenirs s’entrechoquent, tant d’émotions se font face, tant d’histoires de la petite et de la grande se mêlent, tant de sens s’éveillent et accepter le moment comme il est où qu’il soit.
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