top of page
Photo du rédacteurJo

La jeunesse et la formation comme salut de la sélection? part.3

Lors de la première partie (à lire ici) de ce triptyque sur la Reprezentacja et de sa lente agonie, nous avons évoqué factuellement la chronologie mortifère de ces six dernières années. Nous avons ensuite dans une deuxième article tenté, de manière construite, de trouver des explications à cette chute (à lire ici). Il est donc temps pour nous de conclure cette trilogie sur une note plus positive, une note pleine de jeunesse et d'espoirs, une belle note au regard du reste de la partition dans cette symphonie discordande qu'est la sélection polonaise depuis 2016.


Un frémissement en Ekstraklasa


On le voit tous les weekends, on le voit en Coupe d’Europe, l’Ekstraklasa s’améliore. Lentement, certes, mais sûrement. Aux épopées européennes trop rares de Legia, et ses très nombreuses humiliations dans les années 2010, se sont succédées trois phases de poule de ligue Europa (Lech 2020/2021, Legia 2021/2022, Raków 2023/2024), et deux phases de poule de Conférence League (Lech 2022/2023, Legia 2023/2024), Lech atteignant même les ¼ de finale de Conférence League lors de la saison dernière.


En championnat, depuis la réunification en une ligue sans play-offs, on trouve enfin des champions a plus de deux points de moyenne par match: 2,13 pour Legia en 2020/2021, 2,18 pour Lech en 2021/2022, 2,21 pour Raków en 2022/2023, et lors des trois dernières saisons, par deux fois le championnat a vu deux équipes culminer à plus de deux points par match en moyenne.



Chez les jeunes également, avait-on déjà vu l’Ekstraklasa produire autant de talents simultanément, et dans toutes les équipes? Et surtout des talents Po-lo-nais. Nous en avons déjà débattu sur le podcast, cette nouvelle règle des minutes devant être jouées par des jeunes, aussi batarde semble-t-elle être, voit tout de même la promotion de la jeunesse des centres de formation polonais. Tobiasz et Slisz chez Legia, Lederman et Drachal pour Raków, Marchwinski, Mrozek, Szymczak et Gurgul côté Lech, Kludka et Pieńko à Zaglebie Lubin, Rakoczy et Myszor à Cracovia, Bejger, Żukowski, Samiec-Talar et Borys chez le leader Śląsk Wrocław, Wdowik, Marczuk, Matysik et Skrzypczak à Białystok, ou encore Szmyt, Grobelny, Pleśnierowicz à Warta et Mosór, Pyrka, Ameyaw à Piast.


Nous venons là de citer plus d’une vingtaine de joueurs ayant la possibilité à moyen ou plus long terme d’intégrer la Reprezentacja. Tous n’y seront évidemment pas, et ce chiffre de 20 à 30 jeunes polonais sélectionnables n’est pas encore suffisant, mais c'est est un bon début. Il y a encore cinq saisons de cela, pour les mêmes équipes (moins le Warta qui était toujours en 1.liga, plus le Pogon), ce nombre était… équivalent, mais la moitié provenait de Legia et Lech. Preuve que ce que nous observons est un espoir, mais n’est pas encore suffisant. Car finalement, peu (40% environ) ont accédé au Graal de la sélection A, dans, rapellons-le, une incroyable revue d’effectif effectuée sur les trois dernières saisons par les entraîneurs successifs de la Pologne.




“Le problème du foot polonais est que nous ne faisons pas assez, nous ne motivons pas assez les jeunes joueurs” - Michal Probierz

Parmi les heureux élus qui jouaient encore il y a cinq ans en Ekstraklasa, on citera Wieteska, Slisz et Karbownik de Legia, Kamiński, Puchacz, Gumny, Moder et Józwiak de Lech, Płacheta de Śląsk, Buksa de Pogon ou Piątkowski de Raków. Combien sont aujourd’hui des titulaires en puissance de la Pologne ? Aucun, si ce n’est Moder. Combien sont même régulièrement appelés ? J’en compterai une poignée, à vrai dire quatre : Moder (quand il n’est pas blessé), Kamiński, Buksa et plus récemment Wieteska. 


Des espoirs qui reviennent sur terre


Cinq ans! Cinq ans de développement, de choix de carrières, de rebondissements pour seulement quatre joueurs faisant partie aujourd’hui de l’effectif A. Alors, pourquoi devrons nous être plus optimiste pour cette nouvelle génération? Comme écrit plus haut, les joueurs de Legia, Lech ou Raków peuvent se frotter à la Coupe d’Europe beaucoup plus régulièrement, le niveau se comble peu à peu entre nos clubs et ceux qui les devancent. D'ailleurs, si l'on prend en compte les trois dernières saisons sur la scène européenne, la Pologne se retrouve quinzième au coefficient UEFA juste derrière la Grèce.


J’ose également espérer que les erreurs de parcours des précédents nommés permettront aux nouveaux de ne plus perdre de temps et de faire des choix de carrières réalistes. Est-ce une coïncidence si ceux qui n’ont fait qu’un petit tout en sélection A ont tous fait des choix de carrière douteux? A l’image d’un Wieteska ou d’un Slisz, voir d'un Grabara (qui n'a pas joué en Pologne mais a été intelligent dans son choix du Danemark après les jeunes de Liverpool) il me semble plus judicieux d’attendre une ou deux saisons supplémentaire pour finalement se lancer dans la grande et mouvementée aventure de l’étranger.


“Je me suis développé à l'extérieur de la Pologne. J'ai essayé de faire des choix intelligents. Je ne sais pas si en Ekstraklasa j'aurai été titulaire et si j'en serai là aujourd'hui” - Kamil Grabara

Et surtout, avoir en tête de ne pas viser la lune. Moder (surtout) et Kamiński étant des épiphénomènes, viser d’emblée la Premier League, la Bundesliga ou la Serie A me parait présomptueux pour beaucoup d'entre eux. Pourquoi ne pas plutôt tenter une marche intermediaire, la Belgique, le bas de tableau en France, le Portugal, ou bien des gros clubs de championnat comme l’Autriche, le Danemark ou la Croatie qui permettent de jouer la Coupe d’Europe chaque saison, à l’image d’un Szymon Włodarczyk, qui a fini sur le banc du côté de Zabrze mais joue actuellement la Ligue Europa avec Sturm Graz?



Fot. GEPA Pictures


Les entraîneurs d’Ekstraklasa me semblent également apporter plus à leurs équipes, notamment cette saison, Runjaic chez Legia, Papszun/Szwarga pour Raków, Magiera à Śląsk, Gustafsson à Szczecin ou Adrian Siemienec au Jagiellonia ont tous un jeu agréable à regarder, bien défini, dans des styles différents, et font progresser leurs joueurs individuellement et collectivement.


Je viens d’en parler, les jeunes Polonais ne doivent pas se brûler les ailes et partir trop vite trop tôt, mais il me semble que cette saison, certains s’étant un peu grillés ont fait le bon choix en redescendant d’un échelon, et ceux ayant quitté l’Ekstraklasa l’ont fait pour des championnat moins clinquants que leurs prédécesseurs. On pourra citer les transferts de Łakomy aux Young Boys de Bern, Wlodarczyk à Sturm Graz, Nawrocki au Celtic, Skóras au Club Bruges, Łęgowski à la Salernitana, Mateusz Kowalczyk à Brondby, Poręba à Hamburg (prêté par Lens), Wieteska à Cagliari ou Karbownik au Herta Berlin et Puchacz à Kaiserslautern. Sur du moyen terme, ces transferts semblent potentiellement une marche bien plus facile à monter qu'à Wolfsburg, Lens, l'Union Berlin ou encore Brighton…


Conclusion : L’aigle se muera t’il en phœnix ?


Comme nous l'avons vu, la sélection polonaise va mal, très mal, à tous les niveaux, j’ai tenté de décrypter ici les raisons de ce marasme qui habite la Reprezentacja depuis maintenant des années. Il faudra changer beaucoup de choses, que ce soit dans les institutions, dans les équipes dirigeantes, éloignées comme proches de la sélection. Avoir une vraie politique de formation, et pas seulement des règles semi-arrangeantes. De plus, la création (enfin) du centre national de la performance, un Clairefontaine polonais, pour toutes les sélections, annoncé et prévu pour 2025, semble indiqué que nous allons dans cette direction. Il y a encore une fois beaucoup à faire mais prenons chaque petit changement positif comme une aubaine.


“Le chemin du Paradis commence par l'Enfer” - Dante Alighieri

D'autres signes amènent à être positif. Par exemple, aider les clubs pour se qualifier en Coupe d’Europe, comme cette saison en décalant les premiers matchs de championnat des équipes engagées. Valoriser les réserves des clubs pros. Car les clubs professionnels ont la possibilité de monter jusqu’en troisième division polonaise, mais ils se heurtent alors à un championnat qui n’a rien à voir avec les objectifs de formation des jeunes. Chaque match à ce niveau est un âpre combat qui ne favorise pas l’éclosion des jeunes talents, mais peut tout au mieux les former au combat notamment physique sur le terrain. La solution passe aussi par l'amélioration et la professionalisation des ligues de jeunes (CLJ). Elle doivent continuer leurs progrès et devenir de plus attrayantes, plus compétitives pour être un véritable tremplin aux talents en phase d'éclosion.


Fot. PZPN


Finalement, il faudrait empêcher les plus jeunes talents de quitter le championnat avant même d’y avoir participer une seule minute. Une partie de la question se règle avec des lois, l’autre partie se règle une nouvelle fois avec la politique globale de formation. Il n’est pas normal qu’un club comme Legia laisse chaque année partir ses meilleurs jeunes qui vont éclore ailleurs. Il est encore moins normal que des jeunes de 15 ou 16 ans quittent la Pologne pour aller dans des clubs de standing "Ligue des Champions" où ils n’ont aucune chance de s’imposer. L’Ekstraklasa ne s'est peut-être pas aussi bien portée depuis une quinzaine ou une vingtaine d’années, les sélections de jeunes progressent et sont présentes dans bien plus de compétitions continentales et internationales (malgré quelques couacs) que par le passé. J’espère donc - avec conviction - que nous verrons les fruits de ce renouveau d’ici quelques temps.


En attendant, disons au revoir aux glorieux anciens, et repartons sur un projet plus sain, un projet d’équipe, un projet simple mais avec une vision qui rendra fière la nation, moins strass et paillettes, plus jeune et plus Polonais.



Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page